ANGKOR THOM, la porte Ouest

Porte-Ouest

Acrylique monochrome sur toile, annee 2010.

Dimensions : H : 81 cms; L : 100 cms

Un marin poète à Angkor Thom

« Voici où furent des palais, voici où vécurent des rois prodigieusement fastueux, de qui l’on ne sait plus rien, qui ont passé à l’oubli sans même laisser un nom gravé sur une pierre ou dans une mémoire. Ce sont des constructions humaines, ces hauts rochers qui, maintenant font corps avec la forêt et que des milliers de racines enveloppent, étreignent comme des pieuvres.

Car il y a un entêtement de destruction même chez les plantes. Le Prince de la Mort, que les brâhmes appelent Shiva, celui qui a suscité à chaque bête l’ennemi spécial qui la mange, semble avoir prévu, depuis la nuit des origines, que les hommes tenteraient de se prolonger un peu en construisant des choses durables; alors, pour anéantir leur oeuvre, il a imaginé, entre mille autres agents destructeurs, les pariétaires, et surtout ce « figuier des ruines » auquel rien ne résiste.

C’est le « figuier des ruines » qui règne aujourd’hui en maître sur Angkor. Au dessus des palais, au dessus des temples qu’il a patiemment désagrégés, partout il déploie en triomphe son pâle branchage lisse aux mouchetures de serpent, et son large dôme de feuilles. Il n’était d’abord qu’une petite graine, semée par le vent sur une frise ou au sommet d’une tour. Mais dès qu’il a pu germer, ses racines, comme des filaments ténus, se sont insinuées entre les pierres pour descendre, descendre, guidées par un instinct sûr, vers le sol, et, quand enfin elles l’ont rencontré, vite elles se sont gonflées de suc nourricier, jusqu’à devenir énormes, disjoignant, déséquilibrant tout, ouvrant du haut en bas les épaisses murailles; alors, sans recours, l’édifice a été perdu… »

Pierre Loti, le pèlerin d’Angkor